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LE POUVOIR DES PRÉFETS DE DÉROGER AUX NORMES RÉGLEMENTAIRES EST GÉNÉRALISÉ

LE POUVOIR DES PRÉFETS DE DÉROGER AUX NORMES RÉGLEMENTAIRES EST GÉNÉRALISÉ

Auteur : Clément Feulié
Publié le : 16/04/2020 16 avril avr. 04 2020

Par un décret du mercredi 8 avril 2020, lequel sera maintenu après la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 et sans lien avec celle-ci, le gouvernement autorise les préfets de région et de département à édicter des arrêtés préfectoraux individuels dérogeant aux « normes de l’administration de L’État » dans plusieurs domaines (décret n°2020-412 du 8 avril 2020 ).
Le décret permet ainsi aux autorités préfectorales d’édicter des arrêtés individuels dérogatoires dans les matières suivantes :

– subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales
– aménagement du territoire et politique de la ville ;
– environnement, agriculture et forêts ;
– construction, logement et urbanisme ;
– emploi et activité économique ;
– protection et mise en valeur du patrimoine culturel ;
– activités sportives, socio-éducatives et associatives.

Cette possibilité n’est cependant pas inconditionnelle puisque les dérogations doivent respecter quatre critères :

1. être justifiée par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales ;
2. avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques ;
3. être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;
4. ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

Les conditions que ce texte fixe, apparaissent dès lors relativement imprécises et soumises à une large marge d’appréciation de l’autorité préfectorale.
Ce décret généralise ainsi l’expérimentation initiée par le décret n° 2017-1845 du 29 décembre 2017 dans deux régions (Pays-de-la-Loire et Bourgogne-Franche-Comté), dans 17 départements métropolitains, ainsi qu’à Saint-Martin, Mayotte, et à Saint-Barthélemy. Selon les statistiques du Ministère de l’Intérieur, 183 arrêtés dérogatoires ont été édictés dans le cadre de cette expérimentation depuis décembre 2017.
La légalité de ce décret d’expérimentation avait été contestée devant le Conseil D’État par une association de protection de l’environnement qui soutenait notamment que ce texte ne se conformait pas au principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi et au principe législatif de non-régression du droit de l’environnement.

Par une décision du 17 juin 2019, n° 42187117, le Conseil d’État avait écarté ces arguments et rejeté le recours, aux motifs que « le décret contesté, dont le champ et la durée d’application sont limités, n’autorise, dans le respect des normes supérieures, que des dérogations dont l’objet est limité et dont les conditions de mise en œuvre sont définies de façon précise » .

Le Conseil d’État a donc notamment fondé sa décision sur le fait que ce pouvoir de dérogation ne portait pas atteinte aux principes susvisés en tant que sa durée d’application était limitée. Compte tenu du fait que les dispositions du décret du 8 avril 2020 ne sont plus limitées ni dans leur durée, ni dans leur territorialité, le Conseil d’État sera très probablement amené à se prononcer de nouveau sur sa régularité.

Si cette nouvelle compétence attribuée aux préfets pourrait permettre certaines adaptations opportunes compte tenu de circonstances locales particulières (isolement insulaire, par exemple), il fait l’objet d’inquiétudes en tant qu’il est susceptible d’engendrer des mises en application destinées à écarter certaines réglementations sans justification locale particulière. A cet égard, le texte pourrait être susceptible d’instiller une insécurité juridique en tant que les arrêtés adoptés en son application pourraient faire l’objet de contestations devant les juridictions administratives compte tenu de la définition relativement imprécise des critères qu’il fixe.

Le cabinet Atmos Avocats demeurera donc attentif aux suites jurisprudentielles que ce décret engendrera.

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